Home Entretien de la rédaction 5 QUESTIONS À MADAME LA DIRECTRICE AFRIQUE DE LA FONDATION ICI

5 QUESTIONS À MADAME LA DIRECTRICE AFRIQUE DE LA FONDATION ICI

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D’où est venue l’idée de mettre en place une Fondation de lutte contre le travail des enfants dans les champs de cacao? Pourquoi principalement le cacao ?

ICI a été fondée en 2002, en réponse aux recommandations protocole Harkin-Engel. C’est la résultante d’un accord international soutenu par deux Américains, Engel de la chambre des représentants et Harkin, un sénateur visant à mettre un terme aux pires formes de travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement du cacao des industriels du cacao et du chocolat. Pourquoi le cacao ? L’attention des décideurs américains et des médias internationaux a été attirée sur le sujet au début des années 2000.  C’est un secteur où le travail des enfants est répandu des études révèlent que la moitié des enfants qui vivent dans les zones de production de cacao en Côte d’Ivoire et Ghana sont impliquée dans le travail des enfants.

L’objectif de la fondation ICI est de réunir sous forme d’initiative multipartite toutes les parties prenantes qui sont impliquées dans le secteur du cacao à savoir les industriels du cacao et du chocolat, de la société civile, des organisations internationales afin de travailler ensemble pour prévenir et lutter contre le travail des enfants et accroître la protection de l’enfant.

Nous avons débuté notre travail sur le terrain en Côte d’Ivoire et au Ghana en 2007, où nous avons mis en place une approche de développement communautaire dans les communautés productrices de cacao. En collaboration avec des entreprises membres et des organisations de la société civile, nous avons également développé et mis en place des Systèmes de Suivi et de Remédiation du Travail des Enfants, spécialement pour la chaîne d’approvisionnement du cacao dès 2012. Depuis, ces approches ont été largement adoptées et graduellement mises à échelle par de nombreux acteurs du secteur, touchant des centaines de milliers de familles agricoles au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Cameroun.

2) Comment dissocier le travail d’un enfant d’une aide que peut apporter un enfant à ses parents dans une exploitation de cacao?

Le travail des enfants est défini par l’Organisation internationale du travail comme « un travail qui prive les enfants de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité, et qui nuit à leur développement physique et mental et compromet leur scolarisation ».

Tous les travaux effectués par des enfants ne sont pas considérés comme travail des enfants. Par exemple, les enfants qui effectuent des tâches légères et sans danger sur l’exploitation familiale pour une durée limitée, sous la surveillance d’un adulte, et sans que ces tâches ne compromettent leur scolarité, réalisent un travail considéré comme acceptable. Pour de nombreuses familles, ce type de travail est souvent nécessaire à leur bien-être. De plus, il contribue au développement des enfants, puisqu’il leur permet d’acquérir des compétences et une expérience qui les prépareront à leur vie adulte.

Cependant, lorsque les activités sont dangereuses, comme le port de charges lourdes ou l’utilisation d’outils tranchants et des produits agro-chimiques, que les heures de travail sont trop longues, ou que le travail interfère avec la scolarité de l’enfant, ces tâches sont qualifiées de travail des enfants et sont donc interdites. Le Ghana et la Côte d’Ivoire ont tous deux défini une liste de tâches dangereuses interdites aux enfants en vertu de la loi, ainsi que des limites fixées par âge de la durée et de la période qu’un enfant est autorisé à effectuer une activité. A titre d’exemple, l’on peut citer entre autres le travail des enfants dans l’agriculture : le défrichage ; l’abattage des arbres ; le brûlage des parcelles ; le bûcheronnage et l’épandage des produits chimiques.

 3) Quels sont les objectifs recherchés par la Fondation ICI en mettant en place cette organisation et quelle est la stratégie pour les atteindre ?

 Notre vision est celle de communautés productrices de cacao prospères, au sein d’une chaîne d’approvisionnement digne, durable et gérée de manière responsable, où les droits de l’enfant et de l’homme sont protégés et respectés, et où le travail des enfants et le travail forcé ont été éliminés.

Nous collaborons avec nos membres et nos partenaires pour améliorer la vie d’enfants et d’adultes menacés par le travail des enfants et le travail forcé dans les communautés productrices de cacao. Nous innovons, catalysons et soutenons le développement, l’application et la mise à l’échelle de politiques et de pratiques efficaces en faveur des droits des enfants et qui préviennent ou remédient au travail des enfants et au travail forcé.

Nos objectifs stratégiques visent à contribuer à la création de trois piliers essentiels :

(i)Des chaînes d’approvisionnement de cacao responsables qui reposent sur des systèmes et des services qui préviennent et remédient d’une manière responsable et transparente au travail des enfants et au travail forcé dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de cacao, (ii) un environnement propice et favorable étayé par des politiques et des lois nationales et internationales qui inspirent, motivent et imposent des progrès, notamment une législation sur la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans les pays consommateurs de cacao, ou des politiques qui améliorent l’accès à une éducation de qualité et à une protection sociale dans les pays producteurs, (iii), des approches coordonnées pour soutenir la collaboration, l’alignement et la responsabilité dans toute l’industrie cacaoyère et chocolatière, la société civile, les gouvernements et les donateurs, afin de maximiser leur impact collectif.

 

Plus de 20 années après, quel bilan peut-on faire des différentes actions menées sur le terrain ?

Comme je l’ai dit tantôt, nous avons développé et mis en place deux types de projets : les projets dans le cadre du développement communautaire et les projets dans la chaîne d’approvisionnement directe.

Dans la filière cacao, nous avons mis en place des Systèmes de Suivi et de Remédiation du Travail des Enfants (SSRTE). Il s’agit de mécanismes conçus pour identifier les enfants travailleurs ou au risque de l’être et pour apporter des réponses appropriées à chaque situation. Lorsqu’ils sont mis en œuvre efficacement, ces mécanismes peuvent réduire de 40% le travail des enfants. Aujourd’hui on estime que plus de 700’000 ménages en Afrique de l’Ouest sont couverts par les SSRTE.

Le SSRTE tout seul ne va pas résoudre le problème – d’autres facteurs et acteurs y contribuent au niveau international et au niveau national, il y a l’environnement propice. Dans les pays producteurs, il y a eu des avancements très importants, par exemple la scolarisation des enfants. (En Côte d’Ivoire, l’école est obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans depuis 2015). Dans les pays consommateurs de cacao – l’on note aussi d’importants avancements règlementaires. Il y a par exemple la loi sur la diligence raisonnable en matière de droits humains. Cette législation va favoriser des pratiques d’entreprise responsables dans le secteur du cacao et accélérer la mise à l’échelle des mécanismes de prévention et de remédiation qui se sont avérés efficaces dans la lutte contre le travail des enfants et le travail forcé, en complément aux initiatives bénévoles.

En général, les efforts et l’expérience de l’ICI et ses collaborateurs, ont permis de mieux comprendre ce qui fonctionne lutter contre le travail des enfants. Par exemple, nous savons que la sensibilisation sur les risques liés au travail des enfants est particulièrement importante, nous avons aussi appris que l’accès à une éducation de qualité est primordial, que l’égalité des genres est important, également le soutien au développement des autres activités génératrices des revenus. On peut dire qu’on connait beaucoup mieux ce qui fonctionne aujourd’hui pour lutter contre le travail des enfants, qu’il y a 20 ans.

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